Carte postale d'été...
La respiration ronronnante de la
cafetière le matin
et le jaune vif du bol en faïence
de Poët-Laval :
« J'ai fait le café »
« Bonne
initiative ».
La jolie couleur de la gelée de
groseilles de la veille
—
« Bonjour Maman » —
et
les bulles d'air cristalisées dedans
—
y plonger la cuillère et apprécier
la prise
translucide et rouge et le goût
acidulé sur le beurre
et le pain grillé.
Parler de la pluie et du bien qu'elle
fait
— « Regarde
comme les arbres sont contents » —
et le pommier qui s'endormait redresse la tête à ce
moment
— ou était-ce
cette pie qui l'alourdissait ?
En descendant le côteau, passer
la main dans les lavandes
mouillées de pluie pour embêter
les premiers bourdons bourrus
—
et sentir l'odeur des grains bleus,
et passer la main parfumée
humide sur son visage
En passant près du bois de
Georges
humer l'odeur de la terre et du buis
et effrayer un
geai qui secoue la branche de chêne
juste au-dessus de ma
tête
— le
frisson de l'eau au contact de la peau.
La source contente gargouille derrière
la porte du puits
—
l'ondine sans doute dort encore contre la salamandre —
les
hirondelles qui ciglent le ciel bec ouvert
les dernières
odeurs des tilleuls d'or miel doux
Rentrer la journée passée
« Tu
me manquais. J'avais envie de voir ma grande »
les échos des pouic pouic —
des touc touc — des
crapauds,
près du bassin —
« Georges a monté de l'eau aujourd'hui »
et
le tour du jardin avec ma mère
en sabots de bois vernis de
rose
« Tu as vu, les choux de Françoise ont bien
repris »
« Mmm... ça sent
l'oeillet... le vent ramène l'odeur... »
Manger
les deux framboises oubliées par mon père,
et
partager la première mure mûre
« Ouh, je
n'aime pas ces éclairs, on va vite rentrer ! »
Houspiller les tomates qui ne veulent
pas fleurir,
et flatter celles dont les fruits se forment.
Passer
par le verger guetter les abricots
« Tu te rappelles ?
L'an dernier,
c'est au levant qu'ils murissaient en premier »
—
Cette année, c'est au couchant.
L'odeur de la terre chaude-humide et de
la menthe remuée
—
« J'ai repiqué la menthe poivrée, j'espère
qu'elle reprendra »
et le feu bleu des lavandes
bouturées l'an dernier
***
Le son assourdi de l'orage juste avant
le sommeil
les sifflades amusées des mésanges qui
chassent le tonnerre
et le sommeil alourdi de pluie vivante